Greenwashing : les retailers doivent jouer leur rôle

Dans cet article vous découvrirez comment Nesquik gonfle ses marges grâce au greenwashing. Un produit éco-responsable est vendu 48% plus cher que son équivalent standard. La psychologie du consommateur explique pourquoi cette technique fonctionne si bien.

Greenwashing : les retailers doivent jouer leur rôle

Les consommateurs seraient prêts à payer plus pour des emballages éco-responsables. Certaines marques l’ont compris et vous manipulent pour gonfler leurs marges. C’est ce que l’on peut appeler du greenwashing. La preuve en image avec un produit hyper-populaire : Nesquik. Si vous aussi vous en avez assez d’être pris pour des pigeons, réagissez. Partagez cet article sur les réseaux sociaux.

Contactez le bureau d’études marketing IntoTheMinds

En faisant mes courses il y a quelques semaines, j’ai remarqué une anomalie dans les rayons. La version éco-responsable d’un produit ultra populaire (le Nesquik) était plus chère que la version normale (voir photo ci-dessous).

Nesquik Greenwashing eco packaging

A gauche sur la photo le produit classique à 5,19€/kg. A droite, la recharge avec 86% de plastique en moins mais 48% plus chère (8,45€/kg). Pourquoi une telle stratégie de pricing ? S’agit-il d’une stratégie de greenwashing délibérée ?

Le marketing du « sans »

Bien que je ne puisse pas savoir qui, de la marque ou du distributeur a décidé de vendre la recharge écoresponsable 48% plus chère que le produit original, cela m’a rappelé ce que j’écrivais en 2022 après la visite du SIAL, le plus grand salon de l’alimentation du monde. Il faut désormais composer avec un marketing du « sans »le retrait de certains ingrédients justifie un prix plus élevé. Les industriels ont en effet compris que le désir du consommateur de « faire bien » modifie de façon substantielle sa sensibilité au prix. Et cela vaut bien entendu pour les emballages écoresponsables.

Le client est prêt à payer plus pour un emballage écoresponsable

Dans une étude que j’avais analysée sur ce blog, il avait été démontré que le consommateur est prêt à payer 16% de plus en moyenne pour un produit dans un emballage écoresponsable. L’étude avait été réalisée sur la base de photos de produits fictifs et en laboratoire. Il y a donc une différence à attendre par rapport à une situation dans la vie réelle mais les résultats sont indubitables.

On ne s’étonnera donc pas que les industriels « profitent » de cette tendance pour vendre plus chers des produits qui répondent à la demande des consommateurs d’être plus respectueux de l’environnement. C’est la définition même du greenwashing. Mais est-il justifiable de demander 48% de plus pour un produit simplement emballé dans une poche en plastique.

Je veux bien comprendre que changer complètement de matériau d’emballage peut coûter plus cher. Mais dans le cas de Nesquik il me semble difficile de justifier une telle augmentation par un effort industriel. D’un point de vue marketing il serait d’ailleurs intéressant d’étudier comment le consommateur réagit à la vue de deux informations opposées : d’un côté moins de plastique, et de l’autre plus cher.

Comment influencer les consommateurs dans le bon sens

On ne m’ôtera pas de l’esprit que cette stratégie de pricing est délibérée et parie sur le fait que le client ne lit pas les étiquettes. En tout cas pas les informations sur le prix au kilo. Le stimulus est basé sur le prix par unité qui est l’avantage de la recharge (puisque la quantité de produit y est moins élevée).

Il faut donc influencer le consommateur pour que ce comportement aille dans le bon sens. C’est ce qu’on appelle le « nudge marketing« . Le plus souvent ce nudge vient d’une contrainte réglementaire car il dessert les intérêts des vendeurs. Un début de réponse pourrait être les écolabels. La directive européenne Green Claims a ainsi pour ambition de lutter contre le greenwashing. Cela a par exemple inspiré le gouvernement français qui entend introduire en 2024 l’équivalent environnemental officiel du Nutriscore. Le calcul sera basé sur le référentiel PEF (Product Environmental Footprint) pour mesurer l’impact environnemental des aliments. La méthodologie se basera également sur l’ACV, qui permet de quantifier cet impact tout au long de la chaîne de production.

Mais cet « éco-score » officiel ne suffit pas à alerter le consommateur sur les différences de prix. C’est là où le retailer a un rôle à jouer.

affiche shrinkflation carrefour

Les supermarchés Carrefour ont pratiqué le « Name and Shame » pour dénoncer les pratiques de certaines marques. Le message affiché est clair « Ce produit a vu son grammage baisser et le tarif pratiqué par notre fournisseur augmenter. Nous nous engageons à renégocier ce tarif ». Le retailer se place ainsi du côté du consommateur et augmente son capital sympathie.

Quel rôle les retailers doivent-ils jouer ?

Les retailers ont d’après moi un vrai rôle à jouer dans l’éducation du consommateur. Aujourd’hui ce rôle n’est pas assumé sans doute parce que les distributeurs ont un intérêt financier à ne pas éduquer le consommateur. Mais imaginez que, demain, les produits les plus intéressants pour le consommateur soient visuellement mis en avant dans les rayons, cela ne changerait-il pas la donne ?

On me rétorquera sans doute que le consommateur a déjà tous les outils pour s’informer et faire des choix intelligents. Des applications comme PingPrice participent justement à cette éducation mais elles nécessitent un effort avant que l’achat ait lieu. Or, je l’ai souvent répété sur ce bog, l’être humain minimise les efforts, ce qui le conduit à souvent être en mode « pilote automatique », notamment dans les rayons des supermarchés. Il est donc illusoire d’espérer un changement massif des comportements de cette manière. L’unique espoir vient donc d’un « nudge » sur le point de vente. Cela n’est pas impossible puisqu’en France, les supermarchés Leclerc avaient décidé en Septembre 2023 de combattre la shrinkflation en dénonçant dans les magasins les produits qui la pratiquaient. A partir de Juillet 2024 les supermarchés français auront d’ailleurs l’obligation d’informer le consommateur sur les marques pratiquant la shrinkflation. Le gouvernement a voté une loi dans ce sens.

Conclusion

Les biais du consommateur sont bien trop nombreux pour qu’il puisse poser un jugement conscient et informé lors de ses achats. Les marques le savent et jouent de ces biais pour extraire un maximum de valeur. Cela passe notamment par des techniques marketing qui visent à envoyer des stimuli pour augmenter la perception de valeur.

Ceci pourrait être contrecarré par des affichages plus informatifs en rayon, mais ce n’est pas la priorité des distributeurs qui sont eux-mêmes dépendants de la relation avec ces mêmes marques. Il y a donc un conflit d’intérêt latent que seule une obligation légale, comme en France pour l’affichage de la shrinkflation, pourrait contrer.


Publié dans Marketing.