Les réseaux sociaux ont révolutionné l’usage d’internet et les relations entre humains. Mais ils ont créé également un certain nombre de maux qui sont souvent passés sous silence. Une étude vient ainsi de prouver l’impact négatif de Facebook sur la santé mentale des adolescents. Entre 2008 et 2020, le pourcentage d’adolescents souffrant de problèmes psychologiques a doublé et 24% de cette augmentation est due à Facebook.
Statistiques : santé mentale et effet de Facebook
- Aux États-Unis, 20% des adultes souffrent de problèmes psychologiques chaque année et 5% souffrent de maladies mentales
- L’étude menée sur un échantillon de 430.000 réponses collectées sur une période 8 ans estime que 1/4 de l’augmentation des problèmes de santé mentale aux Etats-Unis est due à Facebook
- L’effet de Facebook sur la dégradation de la santé mentale équivaut à 22% de l’impact de la perte de son emploi
- Les tentatives de suicide chez les 18-23 ans sont passées de 7,5% en 2008 à 14% en 2019
- Les épisodes de dépression ont le plus augmenté chez les 18-23 ans. En 2008, 8% des jeunes adultes sondés étaient concernés. En 2019 ils étaient 15%.
- Le pourcentage de jeunes adultes (18-23 ans) ayant connu un stress psychologique dans les 30 derniers jours est passé de 8% en 2018 à 17% en 2019
L’étude publiée en Juillet 2022 par 3 chercheurs des universités de Rome (Bocconi), Boston (MIT) et Tel Aviv jette un pavé dans la mare. Elle démontre avec une méthode quasi expérimentale ce que nous supputions déjà : Facebook a une influence négative sur notre santé mentale.
Cette influence négative avait bien sûr déjà été touchée du doigt par d’autres études. Mais jamais auparavant la démonstration faite n’avait été aussi forte et la quantification de cet impact aussi solide.
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Les auteurs de l’étude ont eu une idée brillante. Ils ont utilisé un sondage national de la santé mentale des étudiants du supérieur (430.000 réponses entre 2000 et 2008 reçues via le National College Health Assessment, 37% de taux de réponse) et le calendrier de déploiement de Facebook dans les universités et « colleges » américains. Rappelons en effet que Facebook a été créé en février 2004. Le réseau social a ensuite été déployé progressivement, université par université. Parmi les établissements où Facebook avait été mis à disposition, on estime qu’en Septembre 2005 environ 85% des étudiants disposaient d’un profil Facebook.
Méthodologie
Dans la pratique, les chercheurs se sont appuyés sur 2 jeux de données. Ils ont d’une part reconstitué le calendrier de déploiement de Facebook dans 775 universités et collèges en utilisant la wayback machine.
Dans un second temps, ils ont obtenu des responsables du sondage un jeu de données contenant l’identifiant des établissements.
En reliant les 2 jeux de données (jointure), les résultats du National College Health Assessment pouvaient dès lors être corrélés à l’introduction progressive de Facebook.
Les auteurs ont dès lors pu utiliser une méthode statistique appelée « difference in differences » pour évaluer l’effet de l’introduction de Facebook.
Le simple fait d’utiliser Facebook équivaut à 22% du stress que vous ressentiriez si vous perdiez votre emploi.
Les résultats
Comme nous le disions en introduction, les résultants sont édifiants. Ils confirment ce que beaucoup soupçonnaient mais apportent surtout une quantification de l’effet de Facebook sur la santé mentale des utilisateurs. Deux mécanismes sont identifiés :
- comparaison sociale : l’utilisation de Facebook propulse l’utilisateur dans un jeu de comparaisons avec ses pairs dont il peut ressortir affecté. (voir Gerlach et al. 2016)
- perturbation du travail : l’utilisation des réseaux sociaux perturbe la concentration, diminue l’efficacité et la qualité du travail. (voir Griffiths et al. 2014)
Utiliser Facebook est aussi mauvais que perdre son emploi
Les résultats montrent que l’effet de Facebook sur l’état mental d’un utilisateur équivaut à 22% de l’effet de la perte d’un emploi. En d’autres, le simple fait d’utiliser Facebook équivaut à 22% du stress que vous ressentiriez si vous perdiez votre emploi.
Facebook est directement responsable de la dégradation de la santé mentale de 380.000 étudiants.
Facebook a dégradé la santé mentale des Américains de 2 points de pourcentage
Depuis 2008, la santé mentale des Américains n’a fait que se dégrader. Cette dégradation est visible quel que soit l’âge mais est particulièrement frappante pour le segment des 18-23 ans. Pour faire simple, la proportion de 18-23 ans en souffrance psychologique a doublé en l’espace de 11 ans. Les chiffres varient en fonction des indicateurs mais on peut dire qu’on est passé de 8% de personnes en souffrance à +/-16%. L’effet de Facebook équivaut à 2 points de pourcentage. Sachant qu’il y a 19 millions d’étudiants dans le supérieur aux États-Unis, cela signifie que Facebook est directement responsable de la dégradation de la santé mentale de 380.000 étudiants.
Profils plus à risque sur Facebook
L’étude montre que les étudiants les plus à risque sont ceux qui souffrent déjà d’une maladie mentale. Pour ces derniers, le risque augmente avec le temps d’exposition à la plateforme.
Impact sur les résultats scolaires
Après l’introduction de Facebook, les étudiants étaient statistiquement plus susceptibles d’attribuer la baisse de leurs résultats scolaires à la dégradation de leur santé mentale.
Conclusion
La révolution des réseaux sociaux est loin de n’être que positive. En plus d’occuper les utilisateurs avec des activités futiles, les réseaux sociaux ont un impact psychologique très négatif. La plus jeune génération est celle qui en souffre le plus, sans doute parce qu’elle possède moins de repères pour se protéger et est encore dans une phase de construction.
Facebook est directement responsable de la dégradation de la santé mentale de centaines de milliers d’Américains chaque année. Il est plus que temps que les parents prennent conscience de ce fléau et protègent leurs enfants.
Pour aller plus loin
Appel, H., Gerlach, A. L., & Crusius, J. (2016). The interplay between Facebook use, social comparison, envy, and depression. Current opinion in psychology, 9, 44-49.
Griffiths, M. D., Kuss, D. J., & Demetrovics, Z. (2014). Social networking addiction: An overview of preliminary findings. Behavioral addictions, 119-141.
Publié dans Recherche.